Manutan : Pouvez-vous revenir sur l’origine de l’engagement RSE de Manutan ?
Marine Varret : La RSE est clairement inscrite dans l’ADN de Manutan, comme l’indique sa mission : « Entreprendre pour un Monde meilleur ». Manutan est d’ailleurs engagé depuis de nombreuses années sur certains des piliers fondamentaux de la RSE que sont par exemple le bien-être et le développement des collaborateurs, la qualité de vie au travail. Cela passe notamment au travers d’un management collaboratif, la culture du feedback, la formation…
La reconnaissance par des trophées nous conforte dans la direction que nous avons prise. En effet, nous sommes depuis plusieurs années, et dans plusieurs filiales du Groupe, au palmarès Great Place To Work. Nous avons également obtenu en 2019 le prix Or du Meilleur environnement de travail aux Trophées du Bien-être et de la Qualité de Vie au Travail pour notre siège européen. Et en 2021 le prix bronze EKOPO dans la catégorie Innovation sociale.
Notre siège illustre notre ambition environnementale : nous sommes la première entreprise française à avoir obtenu la double certification HQE pour nos espaces tertiaire et logistique.
Quels sont vos axes prioritaires ?
Nous mettons en place depuis de plusieurs années de nombreuses actions pour réduire notre impact environnemental : réduction de nos consommations énergétiques, amélioration de la gestion de nos déchets, développement de la dématérialisation et réduction du volume de catalogues imprimés, etc.
En termes d’inclusion sociale et d’ancrage territorial, nous sommes engagés auprès de différentes associations (dons réguliers à Emmaüs et l’Armée du Salut et partenariats locaux).
Au-delà de ces bons résultats, nous avons l’ambition d’aller plus loin. Il y 2 deux ans, Xavier Guichard, Directeur Général du groupe Manutan, a lancé un Comité RSE pour déterminer les axes stratégiques susceptibles de renforcer nos actions. Accompagnés par un cabinet spécialisé, nous avons établi notre matrice de matérialité. Cet exercice incontournable pour toute entreprise vise à dynamiser la politique RSE, en passant par l’écoute de toutes les parties prenantes. Pour réussir, l’approche RSE doit s’inscrire dans une logique de co-construction, associant la Direction de l’entreprise et les collaborateurs, mais aussi les clients, les fournisseurs, les partenaires et les investisseurs.
Ce travail a permis de définir les 5 axes stratégiques suivants :
- Réduire nos émissions de gaz à effet de serre
- Développer une économie circulaire de services
- Promouvoir une offre responsable
- Supporter l’inclusion
- Encourager le développement des collaborateurs
Manutan a déjà lancé de nombreuses actions sur ces 5 axes ; cependant, les impacts sociétaux et environnementaux en tant que distributeur et les attentes de nos parties prenantes requièrent que nous accentuions nos initiatives sur les achats et la supply chain pour atteindre un niveau d’exigence supérieur, notamment en prenant davantage en compte les performances RSE de nos fournisseurs dans nos référencements et appels d’offres, en élargissant notre offre de produits à impacts positifs, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre de nos livraisons, etc.
Existe-t-il des freins susceptibles de s’opposer au développement de la RSE ?
M.V : La RSE recouvre un champ d’application aussi large que complexe. La principale difficulté est donc de déterminer par où commencer. Les priorités doivent être définies en fonction de l’activité de l’entreprise et des attentes de ses parties prenantes.
L’autre défi est lié aux changements d’habitudes de travail et d’état d’esprit. Certes, la RSE repose initialement sur une impulsion donnée par la Direction, mais elle doit ensuite être portée et relayée par tous les collaborateurs, à tous les échelons de l’entreprise. C’est un véritable projet de transformation d’entreprise comparable à la transformation digitale.
Les entreprises vous paraissent-elles devoir adopter un positionnement militant à l’égard de la RSE ?
M.V : Comme l’État, les collectivités, les ONG et les citoyens, les entreprises ont un rôle majeur à jouer pour répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux pour un présent et futur viables ! Les 17 Objectifs de développement durable de l’ONU (signés par 193 pays en 2015) deviennent un cadre de référence universel, y compris pour les entreprises.
La Direction de Manutan est convaincue de la pertinence et de la nécessité pour toutes les entreprises d’adopter un positionnement RSE réel et ambitieux. À ce titre, comme tout ce que nous entreprenons, nous menons nos actions avec sincérité et transparence. La Direction assume son rôle sociétal, sans nier pour autant les opportunités business que représente la RSE. Notamment pour nous différencier, proposer des produits et services innovants et pour répondre aux attentes grandissantes de nos clients. Il est à noter d’ailleurs que les critères RSE comptent aujourd’hui pour 5 % à 20 % des notes dans certains appels d’offres que nous recevons.
À ce sujet, gare au « green washing » et aux effets d’annonce. Plus que jamais, les actions et engagements pris par les entreprises doivent être tenus. Sinon elles prennent le risque d’être rattrapées dans l’espace public et de perdre la confiance de leur écosystème.
Face aux attentes des clients en faveur d’une consommation plus écologique et plus responsable, les entreprises doivent repenser toutes les étapes du cycle de vie du produit (fabrication, distribution, fin de vie…) et les en informer.
Dans cette optique, en tant que distributeur, Manutan a pour volonté de développer et promouvoir son offre responsable, rendant ainsi visibles pour les clients les impacts positifs de ces produits. Cela passe naturellement par de la communication et l’assurance de la véracité de ce que déclarent nos fournisseurs. Le client garde le choix de consommer ou non plus responsable, notre rôle est de leur permettre un choix éclairé.
Selon vous, quel doit être le rôle des achats responsables dans ce cadre général ?
M.V : Il est majeur ! Au sein des achats, on retrouve des leviers propres à tous les enjeux du Développement Durable.
Le développement des achats responsables suppose de mener un travail de longue haleine. Cela exige un bon relationnel avec nos fournisseurs et de les accompagner vers les standards RSE que nous avons fixés. Il demeure que la mise en place d’une stratégie RSE représente encore une fois un vrai changement de mentalité et d’habitudes, et les achats ne font pas exception. Toutes les études montrent bien que, même si les aspects responsables sont de plus en plus considérés, les premiers critères de choix restent le prix, le délai et la qualité. Les acheteurs doivent donc adapter la manière d’aborder leur métier pour faire évoluer progressivement ce cadre, en envisageant le coût complet d’un achat (TCO*), incluant ses impacts environnementaux et sociétaux.
Le développement de l’économie circulaire, qui favorise entre autres l’usage plutôt que la possession, constitue un changement de paradigme pour les acheteurs et les utilisateurs, en privilégiant la location ou l’achat d’un produit d’occasion.
Avez-vous le sentiment que la crise du Covid-19 a favorisé une prise de conscience en faveur de la RSE ?
M.V : Je le crois, même si le changement ne sera pas aussi conséquent et rapide que pouvaient le laisser espérer les appels au « Monde d’Après ».
Le mouvement de fond en faveur de la RSE préexiste à la crise du Covid, celle-ci a accéléré la transition, à la fois par conviction et par nécessité. Elle a mis en exergue l’importance de maîtriser sa chaîne de valeur, le pouvoir des relations solides et durables entre clients et fournisseurs, le poids de la culture d’entreprise et de la solidarité.
Les études clients BtoB menées à l’automne 2020 montrent une progression des aspects environnementaux et sociétaux dans le choix des produits ou des fournisseurs. Parmi les plus fortes tendances se dessine la volonté d’acheter local (au niveau du pays ou de l’Europe) pour à la fois réduire les impacts d’un transport lointain et soutenir l’économie locale.
*TCO : Total Cost of Ownership ou Coût Total d’Acquisition