Préambule : l’économie circulaire, késako ?
L’économie circulaire fonctionne en boucle, et vise à supprimer la notion de « déchet », qui sont considérés comme des “entrants” pour d’autres acteurs de l’économie. Son objectif est de produire des biens et services tout en limitant fortement la consommation et le gaspillage des matières premières, et des sources d’énergies non renouvelables.
Comment transformer ses déchets en co-produits ?
Emmanuel Riquelme : La question mérite en préambule une clarification sémantique et réglementaire. En effet, la notion de co-produit n’existe pas d’un point de vue juridique. La matière est soit un déchet, soit un produit. Et la distinction entre les deux n’est pas technique : elle découle de l’intention du propriétaire. Autrement dit, si vous voulez vous débarrasser de la matière, c’est un déchet, soumis à la réglementation, et donc traité/éliminé sans impact pour l’environnement et la santé humaine ; si à l’inverse vous souhaitez la valoriser, la vendre, ou la donner, elle devient un produit (dans certains cas soumis à une autre réglementation telle que la directive REACH[2]). Les collecteurs de déchets ont donc un statut particulier, leur permettant de transformer les déchets de leurs clients, en produits uniquement en respectant un processus réglementaire de « sortie de statut déchet ». L’économie circulaire ne vise donc pas à « transformer des déchets », mais plutôt à identifier de nouvelles utilisations pour des produits initialement destinés à être éliminés.
Pourquoi faire cette distinction ?
Parce que cette intention va au-delà du statut juridique de la matière : elle modifie l’approche technico-économique. Si je considère mon « déchet » comme un produit dès sa fabrication, je le traite différemment : par exemple en connaissant précisément sa composition, en allouant un budget pour le traiter et/ou le commercialiser, et surtout je ne le présente pas de la même manière. Personne n’a envie d’acheter des déchets ! Or c’est bien le but de l’économie circulaire : trouver des utilisations à ses co-produits et les vendre à d’autres entreprises à un prix qui traduit leur coût réel de production.
Comment faut-il s’y prendre ?
Nous proposons 4 étapes. D’abord la caractérisation de la matière : ses propriétés physico-chimiques, les quantités produites, la variabilité, etc. Ensuite une étude de faisabilité technique, qui part de l’identification des applications potentielles de la matière, aux éventuelles transformations nécessaires pour la mettre au niveau de ces exigences des clients potentiels. Vient ensuite une phase de faisabilité économique, lors de laquelle nous estimons les coûts de production de la matière en y incluant les transformations, et les prix de la logistique.
Enfin, nous pouvons participer au lancement commercial en travaillant sur les argumentaires, en identifiant des clients industriels intéressés par cette matière recyclée, et parfois en travaillant avec eux sur des modèles économiques nouveaux.
Est-ce que ça fonctionne ? Avez-vous des exemples ?
Non seulement cela fonctionne, mais avec des gains significatifs. Un de nos clients dans la chimie produisait un effluent acide qui après neutralisation donnait, un co-produit minéral relativement pur qui s’est avéré faire partie des 14 matières premières stratégiques pour l’Union Européenne.
Son élimination coûtait plus de 100 € la tonne… elle est aujourd’hui vendue à des industriels (cimenterie, métallurgie…) à plus de 100 € la tonne ! Cela représente au final plus d’1,5 M€ d’économie et de création de valeur chaque année ! Parfois le gain n’est pas financier mais réglementaire. Nous avons ainsi travaillé pour plusieurs fabricants de vaisselle, qui jetaient leurs moules en plâtres avec les déchets inertes[3], ce qui est normalement interdit. En organisant une logistique mutualisée, nous avons pu trier ces « déchets », et orienter le flux vers une usine de recyclage en panneaux de plâtre pour le bâtiment, et ainsi rétablir la conformité réglementaire à faible coût.
Enfin, l’économie circulaire peut aussi être interne à l’entreprise. Nous avons eu le cas d’un producteur de sol en PVC, dont le process (déjà optimisé) générait 4 000 tonnes par an de produits non conformes (et donc non commercialisables). Le recyclage classique de ces rebuts était complexe, et surtout onéreux du fait du ratio entre les coûts de logistique et la valeur de la matière. En trouvant une nouvelle méthode de valorisation de ces déchets (le cryo-broyage), l’entreprise a pu mettre en œuvre une réutilisation de cette matière en interne, en remplacement d’une partie des matières premières « vierges » : le broyat sous forme de poudre fine est désormais utilisé comme sous-couche pour certaines dalles. Bilan : zéro pertes matières, une belle économie pour l’entreprise mais aussi pour la planète !
Le mot de Manutan :
La valorisation des déchets en entreprise, sous la forme de déchets de ressources peut être un véritable atout pour produire de nouvelles matières et permet aussi de préserver nos ressources naturelles. Et vous? Avez-vous identifié des déchets susceptibles d’être réutilisés au sein de votre entreprise? Retrouvez nos conseils et sélections pour optimiser la gestion des déchets dans votre entreprise :
[1] Selon la Fédération Nationale des Activités de la Dépollution et de l’Environnement (FNADE) les entreprises ont l’obligation de respecter les objectifs nationaux de 55 % de valorisation matière et de 23 % d’énergie renouvelable à horizon 2020.
[2] REACH est un règlement de l’Union européenne adopté pour mieux protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques liés aux substances chimiques.
[3] Un déchet inerte (ou déchet non dangereux inerte) est pour tous les états-membres de l’Union européenne : « tout déchet qui ne subit aucune modification physique, chimique ou biologique importante, qui ne se décompose pas, ne brûle pas, ne produit aucune réaction physique ou chimique, n’est pas biodégradable et ne détériore pas les matières avec lesquelles il entre en contact d’une manière susceptible d’entraîner des atteintes à l’environnement ou à la santé humaine ».