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Prévenir les accidents du travail et l’apparition de TMS en entrepôt

Ergonomie

Comment réduire les accidents du travail et les TMS en entrepôt ?

La logistique est en passe de devenir le 2è employeur de France[1], forte de ce succès, la filière doit aussi composer avec l’une des principales difficultés inhérentes aux métiers de la logistique : l’accidentologie et les troubles musculo-squelettiques. En effet, la manutention est l’une des principales causes d’accidents du travail en France[2]. À mesure qu’augmente l’activité des entrepôts, croissent les contraintes de délais et de flexibilité auxquelles sont confrontés les opérateurs. Stress, manipulations de charges, multiplication des déplacements sont autant de facteurs d’exposition générateurs de maladies professionnelles de type TMS et accidents du travail dans l’entrepôt. Pour mieux comprendre ces facteurs d’exposition et les moyens de les réduire, Jean-Pierre Zana, ergonome, ancien expert conseil en TMS auprès de l’INRS(1), kinésithérapeute et psychologue clinicien, répond à nos questions.

Quels sont les facteurs de risques au sein de l’entrepôt ?

  • L’organisation de l’activité

C’est un fait, notre mode de consommation est à l’origine de l’augmentation de l’activité de l’entrepôt. Depuis les années 2000, toute la chaîne logistique, du fournisseur à l’entrepôt en passant par la mise en rayons, connaît un phénomène d’accélération, dicté par la satisfaction de l’expérience client. Les délais de livraison sont réduits au maximum pour un consommateur en perpétuelle quête du délai de livraison le plus court. Ce comportement d’achat génère au sein des entrepôts une activité beaucoup plus dense, et engendre une logistique en flux tendu.

En bout de chaîne, les opérateurs de manutention doivent absorber cette demande croissante à un rythme de plus en plus soutenu. Si la robotisation aide à fluidifier ces cadences, la fréquence et la multiplicité des manipulations est souvent à l’origine d’incidents ou de TMS.

  • Les aménagements de l’entrepôt

De nombreux progrès ont été faits au niveau de l’ergonomie des équipements, comme sur les chariots de préparation de commandes par exemple. Certains chariots de manutention disposent en effet de fourches automatiques qui soulagent les collaborateurs du soulèvement ou de l’abaissement de charges.

La mécanisation et la robotisation des équipements peuvent donc alléger une partie de la manutention, mais il ne s’agit pas (encore) d’une pratique largement répandue.

Par ailleurs, de nombreuses opérations de manutention nécessitent encore le transport manuel de charges et des manipulations pénibles, certains à des hauteurs excédant parfois 1,80 m. Le contrôle et le dépilage sont d’autant plus pénibles que les hauteurs de palettes sont importantes.

Les affections les plus fréquentes en entrepôt logistique

  • Accidents du travail et maladies professionnelles : pathologies du rachis avec en point d’orgue, les pathologies lombaires[3], heurts, coupures.
  • Troubles musculo-squelettiques : issus de contraintes posturales affectant principalement les articulations des épaules, et la colonne vertébrale.
  • Risques psychosociaux: stress, troubles de la concentration, fatigue.

 Comment y remédier ?

La création d’un poste interne de Référent en Ergonomie Appliquée détenant à la fois les connaissances métier, mais également une capacité d’analyse ergonomique est une réponse efficace pour réduire le nombre d’accidents et l’apparition de TMS. Dès lors qu’un incident survient, ce référent est en mesure d’analyser l’événement et l’activité pendant laquelle il est survenu, pour repérer plus facilement les difficultés rencontrées.

Un tel rôle offre la possibilité d’instaurer le dialogue entre les opérateurs et les représentants du personnel. L’objectif est de procéder à un travail d’amélioration collectif qui ne cherche pas le consensus mais plutôt un compromis. Comment ? En proposant par exemple une rotation des postes, induisant la polyvalence des gestes, qui permettra de réduire le facteur d’exposition aux risques.

Il n’existe pas de situation parfaite, mais lorsque le dialogue est possible, c’est déjà un grand pas. En conjuguant savoir-faire, connaissances ergonomiques et normes, il est plus facile de trouver les solutions qui permettront de réaliser l’actif dans de meilleures conditions.

Que pensez-vous de la digitalisation ? Va-t-elle contribuer à sécuriser l’entrepôt ?

Absolument. La digitalisation de l’entrepôt est une évolution qui participe à la diminution des facteurs d’exposition aux risques. Connectivité et technologie de localisation sur les engins de manutention (au-delà du suivi de l’activité) permettent d’enregistrer les parcours et de notifier les heurts qui peuvent survenir et fragiliser les palletiers, et ainsi responsabiliser davantage les conducteurs.

Les scanners et les lecteurs de code-barres à pistolet sont remplacés par des gants connectés dotés de scanners ou de bagues scanners ne mobilisant qu’un seul doigt. Les opérateurs voient leurs mains libérées, facilitant ainsi la préparation de commandes et le transport manuel.

Les nouvelles techniques de préparation de commandes à l’aide de commandes vocales dites « voice-picking » assistent les opérateurs, munis de casques audio et de micro, en leur transmettant des instructions vocales. Attention en revanche : cette technologie augmente considérablement la vitesse d’exécution des tâches des opérateurs et génère beaucoup d’isolement. Les échanges et les discussions deviennent plus rares ; cette solitude sur le lieu de travail est un facteur de risque psychosocial réel, contre lequel il faut aussi lutter.

Sur quels autres leviers peut-on jouer encore pour réduire les risques d’accidents ?

À mon sens, aujourd’hui, il n’y pas suffisamment de temps de récupération physiologique. En entrepôt, la pause s’impose ! On estime qu’un opérateur manipule une charge totale estimée à 10 tonnes environ, le temps de récupération physique est donc essentiel pour mener à bien les opérations qui lui sont confiées ! C’est pour cela que la norme AFNOR X35-109 impose des limites au port manuel de charges[4].

Quant à la conduite des engins, elle exige elle aussi une vigilance et une tension particulière, et ne correspond pas à un temps de récupération, même si l’opérateur est assis !

Idéalement, il faudrait procéder à 5 à 8 minutes de pause toutes les 2 h pour mettre le corps au repos, réduire la fatigue et retarder l’apparition de la douleur.

Le dialogue est-il une solution pour lutter contre les risques psychosociaux ?

Effectivement, le stress des cadences imposées, le sentiment de solitude, les conditions de travail difficiles constituent comme dans toute sphère professionnelle des facteurs de risque psychosociaux. Si l’opérateur ne possède aucune latitude ou marge de manœuvre dans sa journée de travail, s’il n’a pas à sa disposition les outils adaptés, ni de conseils pour améliorer et faciliter son quotidien, il peut éprouver un sentiment de non-reconnaissance, ainsi qu’un manque de soutien psychologique.

En écoutant les opérateurs et en libérant leur parole, vous leur permettez d’exprimer leur fatigue et ouvrez la porte à de possibles optimisations. Faciliter la rotation des postes, proposer de démarrer la journée par une situation de travail moins contraignante, ou de la conclure dans une zone de travail plus légère sont par exemple, des méthodes efficaces pour réduire les risques physiques et psychosociaux.

Les limites réglementaires au port manuel de charge

Les limites réglementaires au port manuel de charges applicables aux hommes et aux femmes âgées de 18 à 65 ans sans distinction

• Les travailleurs ne peuvent pas porter des charges supérieures à 55 kg  (sauf si aptes par le médecin du travail). Les charges transportées ne peuvent dépasser 105 kg;
• Les femmes ne sont pas autorisées à porter des charges supérieures à 25 kg;
• Les femmes enceintes n’ont pas le droit de porter de charges quel que soit le poids;
• Pour les jeunes travailleurs, les limites dépendent de l’âge et du sexe.

Recommandation Norme AFNOR X35-109

Activité Valeur maximale acceptable1 Valeur maximale sous condition2
Soulever/Porter 15 kg de charge par opération
7,5 tonnes/jour/personne
25 kg de charge par opération
12 tonnes/jour/personne
Pousser/Tirer 200 kg de poids déplacé 400 kg de poids déplacé
1Ces valeurs s’appliquent lorsqu’il n’est pas possible de supprimer les opérations de manutention manuelle
2Ces valeurs s’appliquent lorsque les moyens mécaniques d’aide au transport et au levage sont difficiles à installer (notamment en raison de la configuration des lieux).

Retrouvez nos conseils et sélections pour optimiser votre entrepôt :


[2]
Source Assurance Maladie[1] Source INRS
[3] Source INRS : Près d’un tiers des accidents du travail dans ce secteur est lié à une lombalgie dû au port ou transport de charges dans 43 % des cas.
[4] Voir encadré.

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